La décentralisation, telle qu’elle est esquissée dans la constitution de 1987, est loin d’être une réalité en Haïti. Malgré le combat des organisations de la société civile et des regroupements des élus locaux, la réticence des différents gouvernements de faciliter le transfert de compétence et de moyens vers les collectivités territoriales se laisse toujours sentir. Cette situation entraine les collectivités territoriales dans une pauvreté croissante qui s’accompagne du mépris de la participation dans les affaires locales.
Dans la quête de cette décentralisation tant souhaitée, il y a des victimes de tout genre et des pertes considérables dans le camp des élus locaux. Le plus regrettable est le cas l’ex mairesse de la commune de Chansolme du département du Nord-Ouest, Erla Jean François, qui a été assassiné à Port-au-Prince le 24 mai 1996, à la Saline, pendant qu’elle s’apprêtait à se rendre au symposium des maires qui se tenait au palais national les 24 et 25 juin 1996. 25 ans après son assassinat en pleine activité relevant de sa contribution au développement des collectivités territoriales, la FENAMH ne peut pas laisser passer cette occasion sans rendre un vibrant hommage à la personne de Madame Jean François et renouveler ses efforts pour la poursuite des mobilisations pour une décentralisation effective en Haïti.
La décennie allant de 1990 à 2000 est une période phare dans l’histoire de la décentralisation en Haïti. Cette génération de maires de CASEC et ASEC ont été très enthousiaste sur les questions liées au développement des collectivités territoriales. Dans un contexte politique très difficile, ils sont l’auteur de beaucoup des acquis recensés dans le domaine de la décentralisation en Haïti. A titre d’exemple, ils ont organisé le premier forum des maires en 1994, le premier symposium des maires en 1995, la création de la Fédération Nationale des Maires d’Haïti (FENAMH) et la Fondation Nationale des CASEC d’Haïti (FONACAD) qui deviendra la Fédération Nationale des CASEC d’Haïti (FENACAH) par la suite, participer dans les débats au parlement haïtien qui ont abouti au vote de la loi 26 mai 1995 sur la section communale et celles sur le Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT). C’est aussi au cours de cette décennie que, durant une courte période (1997-1999), les tous les organes des collectivités territoriales ont été complétés. Cette génération a été très combative. Allant de simples revendications à de grands mouvements comme la grève des maires de l’Artibonite en 1996, par exemple, on ne peut rien douter sur leur détermination pour rendre efficaces les échelons de gouvernement locaux.
Malheureusement, c’est dans cette même décennie que la communauté des élus locaux en Haïti a perdu l’un de ses membres de façon très exécrable. Après le premier symposium des maires qui s’était tenu à l’Hôtel Christopher en 1995, les maires ont renouvelé leurs engagements pour poursuivre la mobilisation pour le renforcement des collectivités territoriales en 1996. De concert avec le pouvoir exécutif, ils ont organisé, au palais national, les 24 et 25 mai 1996, un deuxième symposium des maires sous le thème : décentralisation, relance économique, développement stratégique : stratégie concertée. En se rendant à la première journée du symposium, la mairesse de Chansolme, Erla Jean François, a été abattu de sang-froid, à la saline, par un voleur qui lui réclamait sans succès son sac à main.
Le président René Préval et le Premier ministre Rosny Smarth qui avaient prévu d’aborder, de façon responsable, la question de la grève des maires au cours du symposium, ont observé une minute de silence en mémoire de la mairesse Erla Jean François à la mi-journée. Par contre, la FENAMH, en tant qu’institution chargé de défendre les maires et de faire la promotion des collectivités territoriales en Haïti, ne peut pas laisser passer cette date inaperçue. Sur ce, en ce mois de mai 2021, soit exactement 25 ans après ce meurtre regrettable, la FENAMH se courbe humblement devant la personne de madame Jean François pour lui rendre un hommage bien mérité. Elle partage la peine de la famille de madame Jean François et souhaite un bon courage à tous les élus locaux haïtiens qui sont en train de se donner pour l’existence des collectivités territoriales plus fortes et plus fonctionnelles. La fédération des maires, saisit cette occasion pour continuer de demander des conditions de travail adaptées aux besoin des maires afin qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes.
La FENAMH se souviens de tous les élus locaux qui sont victimes dans le cadre de leur travail. Elle se souviens de l’ex mairesse de Chansolme, Erla Jean François. Elle se souvient de la nécessité de poursuivre le combat pour la décentralisation en Haïti.